1988 : chronologie performance

Publié le par Olivier Lussac

1988

 

- ABRAMOVIC Marina & ULAY, China Rings, 1988.

Il s’agit dans cet enchaînement d’images de séquences d’ordre personnel, dépourvues de tout commentaire, qu’Abramovic et Ulay ont enregistrées pendant leur marche sur la Grande Muraille de Chine, et pendant les travaux préparatoires. C’est ce qui explique pourquoi les différentes scènes, sortes de notes visuelles de leur dernier travail commun, donnent une image différente, plus directe et moins mise en scène, du projet chinois. Si dans The Lovers – The Great Wall Walk, il y avait encore une action-cadre et une voix-off qui commentait l’intention de ce parcours et les conditions dans lesquelles il se déroulait – partis chacun d’une extrémité de la Grande Muraille, les deux artistes devaient se rejoindre au milieu –, cette bande vidéo où il n’y a presque plus de montage montre les petits bouts de film que n’avait pas retenus la logique plus stricte de la précédente.

Les prises de vue ont été presque exclusivement faites du train qui, à l’issue d’une traversée de douze heures du désert de Gobi, devait les conduire à Yinchuan, capitale de la province de Ning-Hia. Les vues des différents villages, portraits des habitants et images de leurs conditions de vie, semblent avoir été prises pendant les étapes de ce voyage en train, mais il se pourrait également que certaines l’aient été durant les quinze jours de leur périple entre le fleuve Kan et les vertes collines du Fu-kien. Outre un aperçu des différentes cultures, les sons originaux donnent également une impression d’authenticité et tendent à dessiner, au même titre que la juxtaposition des nombreuses scènes rurales, une image multiple et complexe.

Le train, dont la forme elle-même et l’équipement technique font dès le début l’objet d’une attention particulière de la caméra, est le principal motif de ce travail vidéo. Pourtant, c’est la plupart du temps ce qui est vu de la fenêtre ouverte du tain en marche qui apparaît sur l’écran, c’est-à-dire essentiellement la transformation progressive du paysage et la succession de collines, de montagnes et de champs. Le rythme du roulement du train donne par ailleurs au spectateur l’impression de se trouver à l’intérieur, avec les artistes. Entre ces scènes de train, ce sont la plupart du temps des portraits individuels des habitants des différents villages qui nous sont donnés à voir. Qu’il s’agisse d’un homme assez âgé portant des lunettes et un bonnet, d’un petit garçon ou d’une jeune fille, la caméra scrute leurs mimiques et leur regard tandis qu’ils se savent regardés, et observe la façon dont ils réagissent.

Mis à part des bruits d’animaux ou de voix qui entourent les personnes filmées, rien ne détourne l’attention du spectateur qui peut se consacrer entièrement à cette observation. Il arrive parfois que les gens qui sont devant la caméra échangent des propos avec d’autres, et on ne peut s’empêcher de penser qu’ils parlent du fait d’être filmés, qu’ils expriment leurs incertitudes, mais aussi leur fierté à être, une fois dans leur vie, les protagonistes d’un film.

C’est une image tout aussi personnelle, nourrie d’impressions de voyage et d’informations sur les raisons souterraines de l’entreprise, qui se dégage du catalogue de l’exposition itinérante The Lovers-The Great Wall Walk, Marina Abramovic et Ulay, qui fut présentée, entre autres lieux, au Stedelijk Museum d’Amsterdam, au Centre Georges Pompidou à Paris et à la Kunsthalle de Düsseldorf. On peut y lire les réflexions d’Abramovic et Ulay sur l’identité culturelle occidentale et orientale, sur la culture chinoise traditionnelle et contemporaine, mais aussi les motivations liées à leur vie privée qui les ont incités à entreprendre ce périple, la façon dont ils abordent cette expérience et ce qu’ils en attendent.

Faisant leur la devise chinoise «Ipu Ipu», c’est-à-dire «pas à pas», Marina Abramovic et Ulay se sont décidés à entreprendre cette longue marche, au milieu de laquelle ils devaient se rencontrer, pour éprouver en quelque sorte de l’intérieur, dans leur propre corps et avec toute l’énergie dont ils étaient capables, l’espace des paysages et celui des cultures. Même si cet aspect apparaît moins nettement dans ces notes vidéo «inédites» que dans la bande principale The Lovers – The Great Wall Walk, où les artistes étaient filmés dans leur traversée des différentes provinces et sur la Grande Muraille, la dimension humaine du périple s’y manifeste très clairement, notamment dans la profusion des détails qui caractérisent les plans des différents villages.

Les transformations parfois assez spectaculaires du paysage qui passe des champs rougeâtres d’une plaine à des hauts-plateaux montagneux traversés de cours d’eau donnent en tout cas, de même que les silhouettes de villes et de forêts, une image beaucoup plus complexe des expériences d’Abramovic et Ulay que ce n’était le cas dans l’autre travail vidéo. On peut voir dans ces «notes de voyage» qui parfois, ne sont pas très loin du documentaire, un prolongement et un élargissement de The Lovers – The Great Wall Walk. Mais ces images permettent en outre de se faire sa propre idée de la façon dont Abramovic et Ulay ont vécu la Chine.

La dernière partie de cette bande vidéo montre de nombreuses vues de la Grande Muraille et du paysage environnant, prises du train ou pendant des arrêts. En même temps, c’est une image protéiforme de physionomies et de comportements, ceux de quelques personnes observées ou de compagnons de voyage, qui se dessine.

Cette juxtaposition d’impressions de voyage prélevées sur le matériau filmique original, qui conserve le son original et ne laisse que peu de place au montage, présente l’avantage d’être beaucoup plus proche d’une image multiple et complexe que ne l’était la vision, pas tant éloignée somme toute de la chronique, de la vidéo principale, où le récit était toujours assujetti à une certaine direction. A côté de l’élément principal, à savoir le périple et la rencontre au milieu du parcours, les nombreuses impressions secondaires et les petites unités narratives dont est ponctué China Ring véhiculent une vision en fin de compte différente de l’ultime projet commun de Marina Abramovic et Ulay. (@ Lilian Haberer)

- ABRAMOVIC Marina & ULAY, The Lovers, 1988.

« The earth is small and blue. I am a little crack in it.» (Confessions of the Great Wall, Huang Xiang)
Ce documentaire sur une performance de 90 jours, qui eut lieu le long de la Muraille de Chine de mars à juin 1988, commence par un film dans le film; une histoire dans l’histoire.

Jung Chang, la narratrice, arrive dans un petit village chinois, où elle installe un appareil pour montrer Great Wall Walk. Elle explique ce qu’elle a voulu faire: un film sur deux amis, deux amants, qui avaient décidé d’aller à la rencontre l’un de l’autre, chacun à partir d’une extrémité du «dragon» que représente la Muraille de Chine, et de se retrouver à mi-chemin. Marina Abramovic est partie de la tête du dragon, à l’extrémité est de la ville de Shan Hai Guan (c’est-à-dire du Golfe de Bohai, Mer Jaune). Ulay a commencé sa marche à partir de la queue du dragon, à l’extrémité ouest, à Jai Yu Guan (contreforts sud du désert de Gobi).

Chacun des deux artistes raconte les pensées, les peurs et les expériences qu’il a eues durant ses premiers pas et décrit les paysages et les gens qu’il a croisés sur son chemin. Pour Marina Abramovic, cette marche l’un vers l’autre est comme une force magnétique, qui attire les amants et les fait se rencontrer. Ulay suit par l’ouest la muraille, où seuls quelques fragments de pierres témoignent d’une construction beaucoup plus grande. A chaque pas dans ce paysage, il perçoit son corps comme la plus petite unité de mesure, donnant une idée des dimensions de chaque élément. Durant cette marche, l’un comme l’autre ont la sensation d’effectuer une initiation: Marina Abramovic ressent le bonheur d’une libération, Ulay, une impression de perfection, de se fondre dans le passé, le présent et le futur, et de ne faire plus qu’un avec la muraille. Ils se sont rejoints 90 jours plus tard à Er Lang Shan, dans la province du Shaanxi, près de Shen Mu, et ont joint leurs mains pour se dire adieu.

En effet, comme ils l’avaient expliqué à Paul Kokke lors d’une interview en 1997, ils avaient décidé de se séparer pour mettre fin à plusieurs années de crise relationnelle. Ulay soulignait alors que ce projet - devenu réalité en 1988 après six ans de lutte avec les autorités chinoises - était, dans une certaine mesure, le symbole de leurs douze années de travail et de vie commune: d’une part, le symbole d’une relation magnétique forte, d’autre part, la fin du chemin qu’ils avaient suivi ensemble. Avant le Great Wall Walk, ils avaient déjà été séparés une fois lors d’une performance, qu’ils avaient effectuée chacun de leur côté. C’est aussi ce que la chroniqueuse chinoise évoque à la fin du film, en posant cette question: «Se sont-ils jamais vraiment trouvés?»

Au-delà d’une authentique manifestation de leur relation symbiotique, ce qui était prévu pour être la dernière rencontre devient l’adieu au bout du chemin. Ce n’est pas seulement le temps qu’ils ont passé ensemble qui est symbolisé à la fin de cette oeuvre, résultat d’une performance commune, mais aussi le point de départ de deux nouveaux chemins séparés, que chacun va poursuivre de son côté, et grâce auquel Marina Abramovic et Ulay vont pouvoir faire table rase et trouver une purification intérieure en vue de nouvelles expériences. (@ Lilian Haberer)

- BAKER Bobby, Drawing on a mother’s experience, 1988.

- BOWERY Leigh, Leigh Bowery in Performance at the Anthony d’Offay Gallery. 11-15 October 1988. Londres.

- FERRER Esther, Festival de Parma Di versi in versi, Parme, Italie.

- FERRER Esther, Fondation DANAE, Pouilly (France).

- FERRER Esther, Festival Poesia/Performance, 1988, Naples. Italie.

- FERRER Esther, Las Cosas, 1988, 2ème festival de Poésie : Le Feu des Mots. Palais de l’Unesco. 1988. Paris.

- FINLEY Karen, Constant State of Desire, originally performed at The Kitchen, NYC in 1988.

- FOX Terry & JULIUS Rolf, P.D., 1988, Hochschule für bildende Kunst, Hamburg.

- FOX Terry, The Eye is not the Only Glass That Burns the Mind, 1988, Kunstmuseum, Bern.

- FOX Terry, Tisch Concert, 1988, Villa Oppenheim, Berlin.

- KLASSEN Norbert, I am the Medium! What is the Message, 1988. Fluxeum/Wiesbaden.

- KOSS Pierpaolo, Secret Tears, Festival Danzlab. Amsterdam. 1988.

- LEE Ming-Sheng, The Artist’s Piss, 1988.

- META BAUER Ute & HOMANN Susanne, Glück auf!, 1988.

- NÖRGAARD Björn, Performance, 1988, Malmö Konsthall.

- PAQUEE Ria, Madame going to a dog-slow, 1988. Antwerp.

- PAQUEE Ria, The Girl Who Never Was Asked to Marry, 1988. Antwerp.

- SCOTT Joyce, Women of Substance.

- STREB Elisabeth, Airwork/Groundwork, 1988. NYC.

- TROPICANA Carmelita, Candela. 1988.

- VAN POPPEL Jaques & NIESLONY Boris, Black Market Performance, juin 1988. Kunstverein St. Gallen.

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