Génération Otaku de Hiroki Azuma

Best-seller au Japon, cet essai a le grand mérite de penser – et non de juger – le phénomène Otaku. Les Otakus, ce sont ces jeunes fans de manga, de jeux vidéos ou de dessins animés, ne vivant qu’entre eux et que pour ces produits culturels dont ils ne cessent de créer et de consommer des dérivés : figurines, fanzines, romans tirés d’un dessin animé, dessins animés tirés d’une figurine, etc. Le phénomène, en perpétuelle croissance depuis les années 1980, représente aujourd’hui un marché colossal, et s’étend à l’étranger via le succès mondial du manga. Pourtant, ces adolescents en rupture ont toujours été considérés comme des autistes et personne, jusqu’à Hiroki Azuma, n’avait osé étudier sérieusement leurs œuvres phares et leurs façons de les consommer.
Son ouvrage révèle la troublante adéquation entre culture Otaku et postmodernité. Perte de repères, fin des grands récits, brouillage de la frontière entre auteur et consommateur, entre l’original et la copie : la culture Otaku est la première culture postmoderne. La réduire au Japon serait donc une erreur, car elle a déjà commencé à séduire les jeunesses du monde.
« Ce que l’on va rencontrer dans toutes les formes de la cyberculture propre à la postmodernité, où à l’expression directe de sa propre personnalité « officielle », l’avatar va préférer l’illusion, le frôlement ou ce qu’après mon ami, le regretté Jean Baudrillard, l’auteur nomme le « simulacre ». Par là, tout à la fois il se protège et exprime les multiples potentialités, les diverses possibilités le constituant.
Le « je est un autre » rimbaldien n’est plus, simplement, une exagération poétique, mais une « hyperréalité » se démultipliant en des myriades d’exemplaires. C’est ce que Hiroki Azuma appelle « hyper-dimensionnalité ». » (extrait de la préface de M. Maffesoli, p. 7)