Art of Memory @ Woody Vasulka. 1987

Publié le par Olivier Lussac



















ART OF MEMORY, 1987
Dans Art of Memory, Woody Vasulka a atteint le sommet de l'élaboration de son propre langage visuel, qui trouve ici le plus haut degré d'autonomie et reste pourtant totalement au service d'une thématique, d'un discours. Dans la même mesure que Paik, mais dans une démarche globale très différente, Vasulka a réussi à faire de l'électronique sa matière, inventant une forme d'image véritablement nouvelle, tant au plan esthétique qu'au plan structurel. Avec l'opéra vidéo The Commission, Art of Memory est le travail le plus achevé, le plus dense et en même temps le travail techniquement le plus sophistiqué de Woody Vasulka. La technique est au service d'une oeuvre qui réfléchit sur seS propres conditions d'apparition et d'existence. Pour aller vite, il s'agit de savoir comment les images du monde peuvent garder le poids d'une trace, d'une mémoire, face à l'invasion généralisée du tout-communication et du tout-image. Les médias privilégient toujours le présent au détriment du passé, au nom du progrès vers le futur. Par opposition, la bande est structurée en chapitres qui traitent de moments particuliers de l'Histoire sur la base d'images et de scènes reconstituées.
Formellement, les chapitres sont séparés par une sorte d'image de coupe, un "écran" courbe et mobile, où les images sont en constante métamorphose, qui s'insère dans chacun des chapitres, une forme de montage par incrustations fluides qui semblent jaillir des images dans un flux continuel de nouvelles formes et de nouvelles figures. Il n'y a plus de début et de fin, plus de champ et de hors champ, il n'y a plus de plan et il est sans doute abusif de parler encore de montage, car les deux composantes fondamentales de celui-ci, à savoir la coupe et le collage, sont ici hors de propos. Au terme de chaque chapitre, cette image courbe se replie sur elle-même et "fond" dans un gris indéterminé qui est souligné par un crépitement sonore.
L'espace, c'est-à-dire d'immenses et magnifiques plans de paysages américains, est toujours la toile de fond d'où jaillit et où s'inscrit l'image-matière ; Vasulka reprend ici à son compte un lieu commun des arts de la mémoire antiques ou médiévaux, qui articulent toujours le temps sur l'espace, en assignant aux souvenirs des places bien définies dans une architecture qui sert à la fois de plan et de partition à la mémoire. Mais à la différence de ces arts nés de la rhétorique, Art of Memory ne fige pas le souvenir dans une forme fixe qui le représente, il fait le pari d'inventer un type nouveau d'images qui soit comme le travail même de la mémoire, englobant et transformant toujours tout.
Paradoxalement, c'est en disparaissant constamment pour réapparaître autrement qu'une image a une chance d'être un lieu de mémoire - et ce, bien entendu, à l'encontre de la logique du plan définitif, de la photo parfaite que cherchent toujours les paparazzi en particulier et les médias en général. (LLH)

Art of Memory
36:00 1987
Manipulating a variety of sources, Vasulka uses creative imaging tools to situate  historical images against Southwestern landscapes of incredible beauty. Contorting the images into a variety of  isomorphic forms, Vasulka creates a literal shape for these memories, developing these shapes as metaphors for the processes of fragmentation, condensation, and inversion, that inevitably contort fact into memory. While much of the raw material for the tape is drawn from World War II and its rehearsals, the Spanish Civil War and the Russian Revolution, The Art of Memory is really an extended meditation seeking to  reconcile the blurry, banal photographs of historic figures with the mass destruction they helped engineer.

1987, 36 min, color, sound
Art of Memory is a major work, an original and mature articulation of Vasulka's inquiry into the meaning of recorded images. Constructing a haunted theater of memory from a spectacle of filmic and electronic images, Vasulka collapses and transforms collective memory and history in an enigmatic space and time. The monumental landscape of the American Southwest is the mythic site onto which he inscribes newsreel footage of war -- ghostly images that become malleable, sculptural forms through constant electronic transmutations.
In this metaphorical vision, the recorded image becomes a monument to the past; history becomes cultural memory through photography and cinema. Vasulka locates the trauma of 20th-century history in filmic images of violent events, including the Spanish Civil War, the Russian Revolution, World War II and the advent of the nuclear bomb. Presided over by a winged creature of conscience, history and memory are seen to be manipulated by the history and memory of images. In a breathtaking conjoinment of the apparatuses of war, history and the media, Vasulka achieves a poignant, ultimately tragic memory theater.
With: Daniel Nagrin, Klein. Voices: Doris Cross. Videotools: Rutt/Etra, Jeffrey Schier. Collaboration: Bradford Smith, Penelope Place, Steina, David Aubrey.

Publié dans Art vidéo - cinéma

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