The Lovers-The Great Wall Walk @ Marina Abramovic & Ulay. 1988

Publié le par Olivier Lussac

"The earth is small and blue. I am a little crack in it." (Confessions of the Great Wall, Huang Xiang)
Ce documentaire sur une performance de 90 jours, qui eut lieu le long de la Muraille de Chine de mars à juin 1988, commence par un film dans le film; une histoire dans l'histoire.

Jung Chang, la narratrice, arrive dans un petit village chinois, où elle installe un appareil pour montrer Great Wall Walk. Elle explique ce qu'elle a voulu faire: un film sur deux amis, deux amants, qui avaient décidé d'aller à la rencontre l'un de l'autre, chacun à partir d'une extrémité du "dragon" que représente la Muraille de Chine, et de se retrouver à mi-chemin. Marina Abramovic est partie de la tête du dragon, à l'extrémité est de la ville de Shan Hai Guan (c'est-à-dire du Golfe de Bohai, Mer Jaune). Ulay a commencé sa marche à partir de la queue du dragon, à l'extrémité ouest, à Jai Yu Guan (contreforts sud du désert de Gobi).
Chacun des deux artistes raconte les pensées, les peurs et les expériences qu'il a eues durant ses premiers pas et décrit les paysages et les gens qu'il a croisés sur son chemin. Pour Marina Abramovic, cette marche l'un vers l'autre est comme une force magnétique, qui attire les amants et les fait se rencontrer. Ulay suit par l'ouest la muraille, où seuls quelques fragments de pierres témoignent d'une construction beaucoup plus grande. A chaque pas dans ce paysage, il perçoit son corps comme la plus petite unité de mesure, donnant une idée des dimensions de chaque élément. Durant cette marche, l'un comme l'autre ont la sensation d'effectuer une initiation: Marina Abramovic ressent le bonheur d'une libération, Ulay, une impression de perfection, de se fondre dans le passé, le présent et le futur, et de ne faire plus qu'un avec la muraille. Ils se sont rejoints 90 jours plus tard à Er Lang Shan, dans la province du Shaanxi, près de Shen Mu, et ont joint leurs mains pour se dire adieu.
En effet, comme ils l'avaient expliqué à Paul Kokke lors d'une interview en 1997, ils avaient décidé de se séparer pour mettre fin à plusieurs années de crise relationnelle. Ulay soulignait alors que ce projet - devenu réalité en 1988 après six ans de lutte avec les autorités chinoises - était, dans une certaine mesure, le symbole de leurs douze années de travail et de vie commune: d'une part, le symbole d'une relation magnétique forte, d'autre part, la fin du chemin qu'ils avaient suivi ensemble. Avant le Great Wall Walk, ils avaient déjà été séparés une fois lors d'une performance, qu'ils avaient effectuée chacun de leur côté. C'est aussi ce que la chroniqueuse chinoise évoque à la fin du film, en posant cette question: "Se sont-ils jamais vraiment trouvés?"
Au-delà d'une autentique manifestation de leur relation symbiotique, ce qui était prévu pour être la dernière rencontre devient l'adieu au bout du chemin. Ce n'est pas seulement le temps qu'ils ont passé ensemble qui est symbolisé à la fin de cette oeuvre, résultat d'une performance commune, mais aussi le point de départ de deux nouveaux chemins séparés, que chacun va poursuivre de son côté, et grâce auquel Marina Abramovic et Ulay vont pouvoir faire table rase et trouver une purification intérieure en vue de nouvelles expériences. (@ Lilian Haberer)


Publié dans Performances

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