Architecture et musique. Virtualités de l’espace sonore

Publié le par Olivier Lussac


Résumé
« L’espace n’est pas seulement le cadre dans lequel se déroulerait une expérience auditive, il en est une composante essentielle : il n’y a pas de son existant hors de tout espace, sans caractéristique de sa propagation dans ou à travers un espace. De la même façon, l’espace est pour le son autre chose qu’un milieu ou un environnement, au sens où ces mots désignent le contenant d’un événement ; quelque chose qui l’envelopperait mais en quelque sorte lui demeurerait structurellement extérieur. » Si le son par son immatérialité reste un moyen d’étendre notre perception, il est aussi, selon Pierre Mariétan, « un moyen de créer des espaces virtuels superposés aux espaces fonctionnels », c’est-à-dire le lieu artistique et naturel des sculptures sonores.


Nous avons tous une connaissance de l’espace à travers le processus de perception auditive (autant que visuelle) ou, autrement dit, à travers cette perception de la discontinuité spatiale, des incidences ou des perturbations de l’environnement. Cette appréhension rend compte de la relation avec la réalité et sa structure sonore. Propager un son par exemple, c’est le générer dans un espace. En effet, un son est nécessairement inscrit, traduit, voire créé dans un lieu spécifique. Le son est comme un indicateur de la stabilité physiologique de l’être humain, dans son orientation spatiale. Ce n’est pas un hasard si les fonctions de l’équilibre primaire de l’homme sont situées dans l’oreille interne, en relation étroite avec sa régulation cérébrale. Et avec son entité physiologique, le son est encore un libérateur dans la continuité culturelle. Au-delà même de sa physiologie, nous avons ici affaire à sa compétence cognitive. Comme le souligne Giancarlo Toniutti, « L’activité du son dans l’espace peut être considéré comme l’équivalent d’un neurotransmetteur dans le système neural. […] Or le son n’est pas une information en lui-même. Il peut acquérir une fonction similaire dans le rôle de signal, mais c’est très limité et particulièrement à un niveau de sonorité codifié socialement »1 En d’autres termes, sans le son notre orientation et notre situation dans l’espace peuvent être faussées. Le son est phénoménalement structuré. C’est un attracteur de la dynamique spatiale. En cela, il gouverne nos schémas cognitifs, comme le pense Pierre Henry : « Mon seul intérêt majeur dans la vie est de compléter, de mener à bien cet univers sonore qui me hante et qui m’habite. »2
Le son croît donc dans l’espace, non seulement parce qu’il est rattaché à une dynamique environnementale, c’est-à-dire à d’autres phénomènes acoustiques, mais encore parce qu’il renvoie à des processus et à des “ambiances” sonores. « La ville ou la vie à l’improviste, dit Pierre Henry, mais aussi une interprétation métaphorique de la réalité. » Pierre Mariétan parle d’une « amplitude géographique, climatique et sociale » du son, et principalement de ce qu’il nomme la musique urbaine, où « l’espace n’est pas seulement le cadre dans lequel se déroulerait une expérience auditive, il en est une composante essentielle : il n’y a pas de son existant hors de tout espace, sans caractéristique de sa propagation dans ou à travers un espace. De la même façon, l’espace est pour le son autre chose qu’un milieu ou un environnement, au sens où ces mots désignent le contenant d’un événement ; quelque chose qui l’envelopperait mais en quelque chose lui demeurerait structurellement extérieur. »3 Il s’agit alors d’explorer ici-même les conditions de manifestation de cette “ambiance” sonore, selon la définition qu’en donne Pierre Mariétan : « L’ambiance n’est-elle pas cette frange constituée d’effets sonores non perçus en tant que tels, mais en tant qu’un tout dont les éléments, à l’écoute, sont indissociables. »4 Il s’agit d’analyser comment le son peut conduire à une nouvelle conception de notre réalité, à partir de formes particulières de créations acoustiques expérimentales. Et comment l’écoute de ces créations, en tant que pratiques inédites et état singulier de perception, détermine-t-elle en retour les paramètres de cette compréhension ? Peut être notre postulat de départ se situe-t-il à ce niveau, car « Toute construction crée un espace sonore “artificiel” à prendre en compte. »5

— L’hétérogénéité architecturale

L’idée architecturale de la libre circulation dans l’espace est fondée sur une croyance, d’une part, d’éprouver les conditions de l’expérience humaine, d’autre part, de reconnaître les mécanismes du schéma urbain, et de satisfaire les conforts et les nécessités d’une société donnée. Cette idée trouve son expression et sa finalité dans l’architecture moderne et dans la théorie, à la fois dans la recherche des formes concrètes et dans une visée plus utopique des habitats. Elle concerne une relation harmonieuse entre les individus et leur environnement, c’est-à-dire un équilibre subtil entre ce qui est construit et ce qui habite ces constructions. L’architecture peut ainsi être envisagée comme étant un moyen technologique ou comme une expression industrielle fondée sur une logique hautement rationnelle, en somme une forme pure. L’architecture serait-elle alors le point culminant d’une pensée visant à se débarrasser de toute forme contradictoire ou de toute interférence extérieure ? Toutefois, l’antithèse de l’architecture dégagée de toute contrainte se situe dans la réalité présente, dans son rapport intime avec ses espaces contigus, limitrophes. C’est cette entité pure qui est contaminée par ce qui lui est extérieur, parce que ce qui est externe à son enveloppe est sans doute devenu (ou bien il l’a toujours été) un milieu chaotique et informe, comme, par exemple, dans l’expérience du métro et du train. À ce propos, Pierre Mariétan a parlé d’un sentiment de rupture dans un article intitulé « Ambiance sonore » :
« Changement d’ambiance. De l’usage du métro se dégage des impressions contradictoires. Il peut y avoir une retenue à s’en servir, à descendre sous-terre pour effectuer un parcours. Par contre, une fois installé, le voyageur peut ne pas éprouver le besoin d’en sortir rapidement. Paradoxalement l’espace souterrain se compare à l’espace aérien. Il y a quelque part une contrainte qui demande effort pour être surmontée. Le changement de situation est adouci dans l’usage de l’avion par des artifices, tel celui qui consiste à diffuser une musique appropriée à l’instant du décollage ou de l’atterrissage. Ces remarques nous conduisent à constater qu’il y a dans ces similitudes une constante qui est celle du passage d’une ambiance à une autre. Du plein air à l’espace clos, presque instantanément, est une sorte d’épreuve, le sens inverse, s’il n’est pas aussi marquant, crée un sentiment de même nature. On imagine que des transitions d’ambiance inversant progressivement les données d’ordre sensible, pourraient constituer des modèles de passages à vivre autrement qu’avec le sentiment de rupture (nous soulignons). »6
Or c’est là, dans cette monotonie, dans cet appel événementiel que nous pouvons créer l’inédit, l’ambiance qui va reconfigurer différemment les lieux. Par exemple, les expériences sonores de Geoffrey Dugan (Interstitial, 2000) et de Pierre Henry (La Ville/Die Stadt, 1984) représentent deux moyens et deux modèles pour formuler d’une part, des incidences et des conjonctions subordonnées ou fortuites, liées au hasard dans la collision entre architecture sub-urbaine, musique et individu, d’autre part, un changement d’ambiance par le traitement électronique de la rame mécanique passant dans le tunnel. Nous avons ici deux possibilités d’interpréter le métro. Ces compositeurs demandent de reconnaître des sons que l’on n’a pas l’habitude d’écouter. Si le son par son immatérialité reste un moyen d’étendre notre perception, il est aussi, selon Mariétan, « un moyen de créer des espaces virtuels superposés aux espaces fonctionnels ». C’est là que notre extérieur peut devenir un passage à vivre autrement, d’une vitalité éphémère et accessible dans certaines circonstances. Nous prenons alors conscience d’une autre mesure des sons, comme le souligne encore Pierre Mariétan :
« Les dimensions relativement restreintes dans lesquelles il se diffuse laissent entrevoir des constructions sonores enchaînées, de transition là où il y a rupture, de rupture là il y a transition ; des repères sonores confirment la continuité d’un réseau, là il y a surprise ou nouveauté ; la malléabilité ou l’éphémère du son apporte la diversité là il y a monotonie du parcours ; concret dans sa mise en forme — une mélodie connue — le son prend la relève sur l’inconnu d’un détour, sur l’abstrait d’une situation sans forme. Enfin des signes multiples, interchangeables, discrets, sont objets de reconnaissance par l’oreille des espaces traversés et créent un deuxième réseau de référence, purement esthétique, dans lequel le voyageur trouve sa voie/x. »7
Mais cet extérieur hante toujours le construit, comme le bruit est sans doute un agent pathogène, un parasite pour le son. Il menace de rompre continuellement l’organisation rationnelle de l’espace architectural, ou l’ordonnance si bien glacée de la musique. En même temps, l’architecture souhaite tirer profit de cet en-dehors, en le disposant de manière visuellement perspicace dans un aménagement logique de l’espace, tout en s’y préservant sûrement. Aussi, trop souvent peut-on constater qu’on s’accommode seulement de cet en-dehors, aussi longtemps qu’il restera précisément externe à toute logique de processus créateur. L’architecture urbaine, à travers sa dépendance vis à vis de la rue et de sa fonctionnalité, rejette en retour cette contrainte.
L’architecte pourrait alors voir dans ses à-côtés (la rue, le terrain vague, le dépôt d’ordures) un processus indéterminé et paradoxal, un chaos que l’artiste Gordon Matta-Clark a désigné par le concept d’anarchitecture, c’est-à-dire une construction ou un espace à prendre à rebrousse-poil, une « ruine à rebours » selon Robert Smithson, et toujours à l’exemple du bruit (cet autre aspect antimusical). « Nous vivons tous dans une ville…, a dit Matta-Clark, dont le tissu est architectural… où la propriété est omniprésente. […] En déconstruisant un édifice… j’ouvre un espace clos, préconditionné non seulement par nécessité physique mais aussi par l’industrie qui inonde les villes et les banlieues de boîtes habitacles dans le but inavoué de s’assurer le concours d’un consommateur passif et isolé. » La notion d’Anarchitecture a été décrite par Mary Jane Jacob comme « une approche anarchique de l’architecture, marquée physiquement comme un effondrement des conventions à travers une méthode de “déconstruction” ou de “déstructuration” au lieu de créer une structure architecturale et philosophiquement comme une approche révolutionnaire qui cherchait à révéler, grâce à l’art, les problèmes sociaux. »8 Le critique Manfredo Tafuri a pensé, comme Gordon Matta-Clark, que l’architecture moderne a détruit la ville en tant que contexte. « La primauté semble y être donnée à l’invention formelle, mais la répétition obsédante de ces inventions transforme l’organisme urbain tout entier en une gigantesque “machine inutile”. »9 En fait, rappelle-t-il encore, « Se libérer de la valeur, c’est se mettre en condition d’agir dans ce réel, ce champ de forces indéterminé, mouvant et ambigu. […] La destruction des valeurs inaugure les nouvelles manières d’être d’une rationalité capable de se confronter avec le négatif, et d’en faire le ressort des potentialités illimitées ». L’art « peut alors s’engloutir silencieusement dans les structures de la ville, tout en idéalisant ses contradictions, ou bien, il peut introduire violemment, à l’intérieur des structures de la communication artistique, un irrationnel tout aussi idéalisé, l’irrationnel que la ville elle-même produit ».
Il faut alors envisager de sauter au-delà du mur, poser « l’oreille au-dessus du barrage » selon Mariétan, parce que l’expérience esthétique elle-même en est bouleversée. Pierre Restany, dans un article de 1968 intitulé « Le livre blanc de l’art total. Pour une esthétique prospective »9, avait dégagé l’idée d’une méthode critique de l’esthétique : 
« La méthode critique doit concourir à la généralisation de l’esthétique : dépassement de l’œuvre et production multiple ; distinction fondamentale entre les deux ordres complémentaires de la création et de la production, systématisation de la recherche opérationnelle et de la coopération technique dans tous les domaines de l’expérimentation de synthèse ; structuration psychosensorielle de la notion de jeu et de spectacle ; organisation de l’espace ambiant en vue de la communication de masse; insertion de l’environnement individuel dans l’espace collectif du bien-être urbain. »
Il n’est donc plus question d’évaluer seulement des objets, mais sans doute des processus (de l’ordre même de la transdisciplinarité comme le suggère le philosophe Basarab Nicolescu10, du rapport architecture/milieu par exemple), à condition de considérer les processus comme des phénomènes transitoires, des jeux ou des ambiances au sens situationniste du terme. Ou à l’exemple des paroles du peintre américain, James Rosenquist, « L’idée de l’œuvre au départ, c’était des fragments de vision à vendre, des fragments incomplets. […] Maintenant, ce qu’on voit aujourd’hui se réduit à des éclairs fugitifs de mouvement statique (nous soulignons) et cette idée de nature donne une étrange idée – pour moi du moins – de ce que l’art peut devenir : comme un fragment de cette œuvre. »11
Le compositeur Dieter Schnebel a lui aussi dit « On produit de la musique qui est comme s’il n’y avait plus de musique : musique après la fin de la musique. » Ou, peut-être, « Après la fin de la musique », il ne reste en effet qu’un processus que John Cage a qualifié de la manière suivante : « Vous dites : le réel, le monde tel qu’il est. Mais il n’est pas, il devient ! Il bouge, il change !… L’on est plus près de cette réalité en disant… il “se présente” : ce qui signifie qu’il n’est pas là, existant en tant qu’objet. Le monde, le réel, n’est pas un objet. C’est un processus. »12 Donc il s’agit d’« éclairs fugitifs de mouvement statique ».
La rue et la ville sont encore des espaces tourmentés par des constructions marginales, où à la destruction de l’objet architectural se substitue ce processus, lui-même inscrit en négation contre l’exaspération de l’objet (que constitue l’architecture elle-même). La rue, la ville existent toujours de manière imprévisible, comme un possible chaos ou comme un ordre toujours produit de sa propre indétermination. Comme un espace architectural, elles se présentent elles-mêmes comme des lieux vitaux d’interaction, d’échange, de puissance économique et de limites démographiques. Leur vacuité les fait être un espace qui possède ses propres lois,  essentiellement instables et potentiellement dangereuses. C’est aussi un espace paradoxal, sorte de no man’s land où une forme de contrôle remplace soudainement une autre, où l’enchevêtrement chaotique des lieux, des individus et des événements forme un ordre momentané. La rue, la ville sont donc des espaces de tension où l’énergie humaine est non seulement forcée à la régulation, mais engendrent encore toute la complexité de la vie.

—  Ouverture sur un chant d’oiseau

Examinons maintenant quelques conditions musicales. Supposons que la musique soit considérée comme une forme fixe, tandis que tout ce qui lui est externe serait mobile (à l’exemple de l’architecture par rapport à son environnement). L’extérieur serait sujet à une multiplicité d’interférences. Il pourrait donc être à la fois une gêne, aussi bien qu’une force de libération, si bien que, dans sa forme la plus simple, chaque espace, quel qu’il soit par l’entremise du son, serait potentiellement rassurant aussi bien que virtuellement inquiétant.
Deux anecdotes vont pouvoir étayer notre propos. La première met en scène le compositeur Pierre Mariétan qui, sortant d’un concert au Victoria Hall de Genève, a soudainement été conscient des bruits concrets de la rue, pourtant habitué à l’art musical dans des conditions bien évidemment privilégiées. En d’autres termes, Mariétan a perçu la musique en fonction non pas de sa seule intériorité, mais à partir d’une possible extériorisation du phénomène sonore. Comme le compositeur l’explique :
« Il est aisé de constater la primauté accordée à la détermination limitative du temps de l’acte musical. Sous presque toutes ses formes il faut bien dire que la musique n’a jamais été pensée en fonction d’assurer sa permanence dans le quotidien. Elle apparaît uniquement à des moments définis, […] avant et après quoi le “ désordre banal” reprend place, l’homme “musical” disparaissant. […] Il peut paraître évident que la musique, ou ce qu’on dénomme ainsi, découle uniquement de sources de productions sonores intentionnelles. Mais en admettant le fait que n’importe quel son peut être, ou plus exactement peut devenir musical, cette affirmation semble moins certaine. […] l’intention musicale qui se manifeste au niveau de la production sonore et celle qui n’apparaît qu’au seuil de la réception peuvent tout aussi bien se rejoindre ou se dissocier, valables l’une sans l’autre. […] Toute chose, en mouvement ou non, tout élément de l’espace constituant nos lieux d’évolution, qui existent en tant que corps sonores ou résonateurs, sous toutes les formes imaginables, représentent, en potentiel, les moyens “universels” de la musique. »13
La seconde anecdote met en relief un événement vécu par le philosophe Allen S. Weiss :
« Un jour, à New York University, dans mon séminaire sur la radio d’avant-garde et la musique expérimentale, j’ai essayé d’expliquer les limites du rôle du hasard dans la composition et l’exécution musicales. Mon exemple était un enregistrement d’En blanc et noir de Debussy, morceau pour piano et quatre mains, dans la version de Paul Jacobs et Gilbert Kalish. En écoutant ce CD pour la première fois, j’avais été contrarié par un pépiement d’oiseaux ; pensant que ces bruits venaient de l’extérieur, j’avais remis le disque, avec encore le même résultat : le concert avait eu lieu en plein air, et c’était des oiseaux réels qui avaient été enregistrés. J’expliquais aux étudiants ce qui me paraissait l’évidence même, à savoir que (en dépit de mon admiration pour le Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messiaen, parmi beaucoup d’autres onomatopées ornithologiques musicales) les chants d’oiseaux ne faisaient pas partie de la partition, et donc gênaient l’écoute. »14
Mais ce sont là, dans les deux cas, des conditions exceptionnelles qui vont orienter ou non les choix esthétiques des auditeurs et des artistes eux-mêmes, parce que ces possibilités de différenciation spatiale deviendront ou non des conditions de réflexion sur la nature sonore, ou en d’autres termes l’espace sonore ne peut que rarement se soustraire à une contamination  toujours provoquée par un facteur extérieur. Le bruit est ce foyer parasitant la condition absolue de l’art musical. Luigi Russolo dans son Art des bruits a ainsi écrit : « Dans l’atmosphère retentissantes des grandes villes aussi bien que dans les campagnes autrefois silencieuses, la machine crée aujourd’hui un si grand nombre de bruits variés que le son pur, par sa petitesse et sa monotonie, ne suscite plus de plaisir à combiner idéalement les bruits de tramways, d’autos, de voitures et de foules criardes. »15 Ainsi, sans aucun doute, il est fort probable que la vie moderne dans tous ces aspects soit considérée comme l’antithèse formelle de la rationalité musicale, parce que « on trouve, rappelle le critique Hans Heinz Stuckenschmidt, une intensité sonore plus grande dans l’artère principale d’une grande ville, dans un dépôt de machines, dans une gare, dans un aérodrome, qu’en décelait l’univers tout entier au temps des relais de poste. »16 Par conséquent, le bruit et tous les sons possibles de la ville sont à la fois des repoussoirs et des modèles enrichissants de la musique. Ce qui nous dérange n’est peut-être pas le trop plein de bruit, c’est-à-dire l’augmentation de certaines formes de bruit, mais davantage la confusion qualitative, le bruit blanc qui, au-delà d’une certaine frontière, ne permettent plus de distinguer tel ou tel élément sonore ; le résultat est le brouillard sonore, le brouhaha généralisé, la rumeur. Mais justement pour les artistes que nous évoquons ici, la composition demeure l’exercice qui consiste précisément à soustraire des sons de la masse informe des bruits et de proposer une configuration inédite, même si parfois cela reste au niveau de l’expérimentation sonore. Mais cette orientation spéculative dépasse souvent le cadre de la simple manipulation.
Prenons quelques exemples contemporains de correspondances bruitiques urbaines et industrielles.
The Vancouver Soundscape de R. Murray-Schaeffer (1973-1987, WDR de Cologne/Studio Akustische Kunst) qui est un Landschaft mit den Ohren sehen (« Paysage à voir avec les oreilles »), est considéré aujourd’hui comme un des exemples classiques de compositions sonores, utilisant des cornes de brumes, par le fondateur du World Soundscape Project (1973).
Metropolis Buenos Aires de Francisco Kröpfl, grand compositeur de musique électroacoustique en Argentine (1989, WDR de Cologne/Studio Akustische Kunst), où, pour l’auteur, il s’agit de « déchiffrer la musique, qui existe potentiellement dans des formes linguistiques et vocales multicolores, dans cette ville avec ses millions d’habitants. Sa spontanéité et son application stéréotype de groupes, du discours politique à l’articulation des masses et au langage des médias. Quelques traces sont aussi décelées dans la musique populaire, dans le tango par exemple. Tout cela je souhaite le fondre dans les sonorités environnementales de Buenos Aires. »17
CCU. Metropolis Calcutta de Klarenz Barlow (1986, WDR de Cologne/Studio Akustische Kunst). Le compositeur de musique informatique Klarenz Barlow est né dans la vie indienne et propose une image sonore de rythme en vingt-quatre heures  (jour et nuit) de Calcutta, ville de huit millions d’habitants. Les quarante-huit minutes de cette composition sonore correspondent à une journée. Toutefois chaque minute d’enregistrement renvoie à une demi-heure réelle. Il y a donc une condensation du temps et un arrangement temporel des événements sonores à l’intérieur de l’œuvre est fondé sur le temps durant lequel les sons sont enregistrés.
Metropolis New York de Richard Kostelanetz (1984, WDR de Cologne/Studio Akustische Kunst), poète, polyartiste et critique d’art, dont l’insistance est posée sur la nature sonore de New York, tels que les sons caractéristiques du métro (qui deviennent dans l’œuvre la basse répétée), l’écho de Wall Street, la foule à l’heure de pointe, la narration de Circle Line et la rame passant sur le Manhattan Bridge. Le modèle de Kostelanetz est le photomontage intitulé Metropolis de Paul Citroen.
Ou il s’agit de convoquer les sonorités métalliques dans le cadre de situations industrielles :
Klanglandschaft Ruhrgebiet. Einmal Herne und Zurück de Richard Ortmann/Raimund Fleiter/Ralf R. Wassermann (1995, WDR de Cologne/Studio Akustische Kunst). Arrangement de sons et de bruits du district de la Ruhr, Allemagne. Dans la tradition du futurisme italien et de la musique concrète, les compositeurs font entrer des points sonores dans les couches acoustiques de la ville industrielle, avec un changement structurel du son.
Lingua X Tichon oder Die Bedeutung des Weges de Thomas Schulz (1991, WDR de Cologne/Studio Akustische Kunst). Ce sculpteur sonore a enregistré le forage du tunnel sous la Manche. Les fraiseuses géantes creusent la pierre et la terre en-dessous des eaux, et créent de nouveaux espaces, des lieux fantomatiques et des chambres d’écho. Ce sont à la fois des sculptures sonores et souterraines, des marques sonores structurées rythmiquement par des explosions et des échos qui en résultent longtemps après.
Le bruit ne fait non seulement obstacle à la perception et à la communication que dans la mesure où il dérange un ordre donné et une organisation précise, mais il est aussi plus riche en sons harmoniques que ne l’est le son lui-même, alors que l’homme ordinaire ou le compositeur ne voit souvent en lui que quelque chose d’innommable et d’insupportable.
Et le son et le bruit (comme l’architecture et son environnement) ne peuvent exister sans qu’ils soient reliés à leur source, c’est-à-dire à un événement produisant un son et à un auditeur percevant la source et l’objet sonore. Éventuellement, l’environnement sonore immédiat peut être capté selon une écoute proprement musicale, ou posséder purement des qualités formelles. Nous pouvons ainsi différencier un son intentionnellement et artistiquement créé pour un espace donné (le jeu du concert en plein air par exemple), et un son produit dans l’espace dont seule l’écoute est délibérément réalisée (accentuation de l’écoute sur un objet extérieur au jeu ordinaire du concert, ici les oiseaux dont la manifestation est visiblement embarrassante et inopportune). Plus fondamentale est l’interprétation que l’auditeur donne à l’événement en question, moins la situation, le lieu ou l’espace, dans lequel cet événement se développe, peut supposer être un espace préconditionné ou absolument défini.
Il s’agit sans aucun doute de constater que l’univers sonore, dans lequel vivent tous les auditeurs potentiels de tous les sons et de toutes les musiques possibles, n’est rarement pris en compte, jusqu’au pépiement d’oiseaux, ou jusqu’à n’importe quel autre son hors de son contexte habituel. Martin Davorin-Jagodic s’est ainsi interrogé sur la nature du son dans ce vécu quotidien : « Maintenant, élargir le domaine musical ne suffit plus/il ne s’agit pas des rapports entre les sons/Ne pas dénoncer l’objet musical non plus/mais tendre à créer des situations où l’on agit avec force sur les réalités situées hors de la simple structure sonore/Comprendre/que l’objet d’art n’est pas dans un domaine spécifique/privilégié ou négatif/que le travail du musicien, silencieux ou pas, est plus complexe que de refermer un nouvel espace musical./ »18 Il n’est donc pas nécessaire de savoir ce qu’est le son (ou la musique), mais où est réellement le son que nous écoutons et, surtout, comment celui-ci influence notre oreille. C’est effectivement cette éventualité d’un environnement sonore, cette virtualité d’un contexte situationnel qu’il faut interroger, parce qu’il s’agit de comprendre, comme le compositeur américain La Monte Young l’évoque dans Lecture 1960, que, pourtant,  « chaque son est son propre monde et que ce monde n’a un rapport avec le nôtre que dans la mesure où nous en faisons l’expérience par l’intermédiaire de notre propre corps, c’est-à-dire à l’intérieur de nos propres limites. » Les conditions musicales ne sont donc pas seulement celles qui se réduisent à l’espace du concert, donc au lieu consacré à cet effet, mais celles qui s’élargissent à toutes les dimensions sonores de la vie, jusqu’au simple chant d’oiseaux évoqué par Allen S. Weiss. 

— L’ambiance situationniste

Mais, pour répondre à cette virtualité sonore, il faut sans doute retourner aux concepts situationnistes (et sans doute à la musique concrète). Constitué par des individus provenant de Cobra, du Lettrisme et du mouvement international de Bauhaus Imaginiste, l’International Situationniste s’est formé en réaction contre la pratique de l’art, pour se tourner vers l’action politique. L’I.S. essaie de saper l’homogénéisation grandissante de la société moderne en incitant à des actions spontanées, avec pour objectif que le plaisir (et le jeu), en étant productif, soit le moteur de formes alternatives de vie et de travail. À travers cet intérêt pour les conditions de la vie moderne, l’I.S. vise à prendre la quotidienneté comme un site dans lequel les conflits et les passions sont dévoilés, afin de refaçonner les paramètres de ce site. Il agit par dérive. « Dérive : Mode de comportement expérimental lié aux conditions de la société urbaine : technique du passage hâtif à travers des ambiances variées. Se dit aussi, plus particulièrement, pour désigner la durée d’un exercice continu de cette expérience. »19 Dans leur intention de changer la vie moderne, l’I.S. propose donc une architecture différente de celle des modernistes (à l’exemple de Le Corbusier). En contraste avec la modulation des formes, le groupe souhaite une architecture qui doit être considérée en fonction de son environnement, c’est-à-dire la rue et sa multiplicité inséparable de formes (fluidité du mouvement dans la ville, lignes de force économiques et démographiques).
Pour expliquer et comprendre la dérive et ses conséquences musicales, il faut aussi remonter à 1952, au mouvement de l’Internationale Lettriste qui, cherchant un nouveau rapport créatif en opposition à l’organisation ambiante, demande de réapproprier son propre environnement de vie. C’est le début de l’Urbanisme unitaire, qui demande la critique de l’urbanisme actuel : il faut donc élaborer « une théorie de l’emploi d’ensemble des arts et techniques concourant à la construction intégrale d’un milieu en liaison dynamique avec des expériences de comportement ».
Mais au juste, comment cette théorie peut-elle construire ce milieu et conduire à la dérive ? Pour y répondre, il faut commander des enquêtes. Ce fut le cas en 1953 à Paris et le premier rapport, concernant précisément ce milieu, fut écrit par Gilles Ivain (pseudonyme de Ivan Chtcheglov) et intitulé Formulaire pour un urbanisme nouveau, dont le rôle architectural principal est de modifier les conceptions de temps et d’espace, à la fois moyen de connaissance et moyen d’agir :
« L’action principale des habitants sera la DÉRIVE CONTINUE. Le changement de paysage d’heure en heure sera responsable du dépaysement complet. […] Plus tard, lors de l’inévitable usure des gestes, cette dérive quittera en partie le domaine du vécu pour celui de la représentation. » (I. S. n° 1)
Pour Gilles Ivain, il s’agit de modifier le complexe architectural, de le changer selon la volonté de ses habitants. S’appuyant sur la notion de « construction de situations », il cherche à édifier un fondement inédit des nouvelles constructions, avec la possibilité de détourner des éléments esthétiques préfabriqués. La critique de la rationalité architectural suppose alors deux idées directrices. La première est la recherche d’une interaction entre comportement et espace urbain, pour un dépaysement complet et pour un nouveau mode de participation ludique, s’appuyant sur la dérive, définit plus haut et sur le concept de psychogéographie. Et la seconde idée requiert des structures mobiles et transformables. Les habitants ne posséderont plus de lieu fixe, mais vivront de manière nomade (idée qui culmine dans les projets de Constant en 1959, dans le Deleuze-Guattari de Mille Plateaux et dans les fondements américain du happening [et dans l’art-action en général]).
Donc, d’une part la dérive, d’autre part la psychogéographie, sont des concepts étroitement liés à l’exercice de la vie quotidienne, à l’intérieur de l’espace urbain, et dont la matérialité est peut-être, selon Deleuze et Guattari, « inséparable de passage à la limite comme changements d’état, de processus de déformation ou de transformation opérant dans un espace-temps lui-même anexact, agissant à la manière d’événement (ablation, adjonction, projection…) » Ou bien elles semblent « inséparables de qualités expressives ou intensives, susceptibles de plus et de moins, produites à la façon d’affects variables (résistance, dureté, poids, couleur…). Il y a donc un couplage ambulant événements-affects qui constitue l’essence corporelle floue, et qui se distingue du lien sédentaire ». (Mille Plateaux, p. 507) À la fois changement et affection, telle est la définition de la Psychogéographie : « Psychogéographie : Étude des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus. » « Ce qui manifeste l’action directe du milieu géographique sur l’affectivité. »
En 1956, Guy Debord a ainsi expliqué que la dérive est un passage inattendu, à travers des décors différents. C’est une transition liée à un comportement à la fois constructif et ludique, radicalement contraire au voyage (peut-être trop long et trop disposé) et à la promenade (arbitrairement courte et sans esprit ludique). Les personnes qui pratiquent la dérive doivent, lors de ce passage, se départir de leur activité quotidienne, pour s’intéresser à l’environnement. Une part du comportement procède du hasard, mais il est moins prépondérant que ce qu’on pourrait croire. L’individu sollicité dans la dérive suit le relief psychogéographique de la ville, ses réseaux, ses points fixes, ses flux… Le hasard ne recouvre pas la totalité de la dérive, mais invite à un laisser-aller et à sa contradiction, l’évaluation et la connaissance de la psychogéographie urbaine. Il est cependant important lorsque son usage se ramène à des variantes et à l’habitude. L’analyse du tissu urbain se fait donc écologique. Le terrain de la dérive serait toujours déterminé en fonction de ses rapports avec la morphologie sociale. Il relève ainsi d’une forme d’esthétique fonctionnelle. Mais le son ne relève plus de l’élément décoratif et devient un indicateur signifiant, sans cesse classé encore et systématiquement selon une hiérarchie du beau et du laid
 Choisissant un lieu et une heure précise, le sujet assure une allure imprévue dans la dérive et peut même errer la nuit dans des maisons en démolition, traverser Paris en auto-stop les jours de grève (forme courante de dérive aujourd’hui) ou traîner dans les jardins fermés au public. C’est le cas de Geoffrey Dugan et ses amis dans le parc déserté Mc Carren, Greenpoint, à Brooklyn. La dérive exige vagabondage de l’individu et mobilité labyrinthique de l’architecture, trouvant une origine dans la déambulation surréaliste : écriture automatique et jeu de hasards et de coïncidences. L’Architecture of the Incidental et Psychogeographical Dip, deux enregistrements de Geoffrey Dugan20, deviennent les équivalents musicaux de cette écriture. Ils jouent comme manifestations de la vie et comme inconscient du monde et de la ville, lié à celui de l’homme.
La dérive peut encore supposer des effets sonores. L’I.S. compose l’architecture en fonction de la théorie sur le bruit et sur la dissonance, conditions naturelles de la vie urbaine. Comme moyen de passer « au-dessus du barrage », elle constitue un gaspillage conscient du temps utile, une manière de jouer situationniste qui cherche à briser l’isolement de l’individu et qui provoque des situations de hasard, des écoutes fortuites, c’est-à-dire des « moments de la vie, concrètement et délibérément construit en fonction de l’organisation collective d’une ambiance unitaire et d’un jeu d’événements » ou alors il s’agit simplement des modèles de passages à vivre autrement qu’avec le sentiment de rupture, qui peuvent posséder une valeur hautement esthétique.
À partir de la dérive, donc, les situationnistes aboutissent au cœur révolutionnaire de leur action : ce sont la « création globale de l’existence » et le détournement, dont l’origine se situe dans les théories lettristes d’Isou, détournement alors utilisé en poésie comme bouleversement du sens, il devient ensuite subversion des valeurs culturelles et esthétiques. Principalement Potlatch se veut l’ennemi de Le Corbusier, le Constructeur de taudis et prône la conservation des gares, leur sonorité étant accentuée par les sons d’autres gares ou de ports. Ceci est le cas échéant exactement envisageable et absolument enregistrable, comme ce fut le cas de Ohrbrücke/Soundbridge Köln-San Francisco, création de Bill Fontana datant de 198721. Pour la première fois de l’histoire de la radio, les sons et les bruits de deux cités séparées ont été combinés en performance live via le satellite à partir d’une sculpture sonore intercontinentale. Simultanément sont entendues soixante stations de radios et une sculpture sonore à Cologne (les sons de la gare centrale de Cologne, le Rheinbrücken, la circulation routière et les cloches de la cathédrale et des églises environnantes) et une autre à San Francisco (les cornes de brumes et les résonances bruitiques provenant de Golden Gate Bridge, ou bien même la faune de Farallon Islands). Tout élément sonore contribue à enrichir notre oreille et à nous conduire dans un espace d’une qualité insoupçonnée.

© Olivier Lussac
Revue Figures de l’art n° 6 « Anges et chimères du virtuel », revue d’études esthétiques, textes réunis par Bernard Lafargue, Presse Universitaire de Pau, 2002, p. 383-398.

1. Giancarlo Toniutti, « Space as Cultural Substratum », Brandon LaBelle et Steve Roden, Site of Sound : of Architecture & the Ear, Los Angeles et Santa Monica, Errant Bodies Press et Smart Art Press, 1999, p. 41.
2. Pierre Henry, La Ville-Die Stadt (Metropolis Paris), livret du CD Wergo (WER 6301-2) Ars Acoustica Vom Reichtum der Akustichen Kunst, 1994.
3. Françoise Kaltemback,  « Introduction »,  Pierre Mariétan, La Musique du lieu. Écrits de musique III, Berne, Commission nationale suisse pour l’Unesco, 1987, p. 17.
4. Pierre Mariétan, La Musique du lieu. Écrits de musique III, Berne, Commission nationale suisse pour l’Unesco, 1987, p. 181.
5. Op. cit., p. 165.
6. Op. cit., p. 181.
7. Op. cit.,  ibid., p. 182.
8. Mary Jane Jacob, « Introduction and Acknowledgments », Gordon Matta-Clark: A Retrospective, catalogue Chicago Museum of Contemporary Art, Chicago, p. 85.
9. Manfredo Tafuri,  Projet et utopie, Paris, Dunod, 1979, p. 16.
10. Pierre Restany, « Le livre blanc de l’art total. Pour une esthétique prospective. », Domus n° 269, 1968.
11. Daniel Charles, « Pour une poétique de l’outredisciplinarité » ,  sous la direction de Vittorio Vagone, L’art vidéo 1980-1999, Milan, Mazzotta, 1999.
12. James Rosenquist, entretien avec Gene Swenson, Partisan review, 1965, vol. 32, n° 4, p. 596-597.
13. Daniel Charles, entretien avec John Cage, For the Birds, Boston et Londres, Marion Boyars, 1981, p. 80.
14. Pierre Mariétan, « Milieu et environnement », op. cit., p. 30.
15. Allen S. Weiss,  « Le Désœuvrement de l’œuvre », Critique n° 639-640, août-septembre 2000.
16. Luigi Russolo, L’Art des bruits, Lausanne, L’Âge d’homme, 1975, p. 31.
17. Hans Heinz Stuckenschmidt, Musique nouvelle, Paris, Corrée Buchet-Chastel, 1956, p. 160.
18. Francisco Kröppfl cité dans le CD Riverrun. Voicings/Soundscapes, Wergo WER6307-2, WDR de Cologne, coll. Ars Acoustica.
19. Chroniques de l’art vivant, n° 51, p. 30.

20. Internationale Situationniste n° 1, 1958.
21. CD Psychogeographical Dip GD013, CD The Architecture of the Incidental GD014 (GD Stereo  p. o. box 1546 New York NY 10276 États-Unis Distributions: - Anomolous Records P. O. Box 22195 Seattle WA/ anomolousrecords.com - Printed Matter 535 West 22nd Street New York NY 10011 / www.printedmatter.com - RRR Records 23 Central Street Lowell MA 01852.
22. Bill Fontana, Ohrbrücke/Soundbridge Köln-San Francisco, retransmission satellite en direct, 31 mai 1987, CD Wergo WER6302-2, WDR de Cologne, coll. Ars Acoustica.

Publié dans Textes-Arts

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article