Happening

Publié le par Olivier Lussac

  • Le happening n’est pas une représentation plastique ou théâtrale conventionnelle. C’est un événement artistique ouvert et fluide, sans commencement structuré, ni milieu, ni fin. C’est un jeu sur la nature réelle de l’art et de la vie, de leur rapport mutuel, un théâtre élargi qui prend sens dans une relation entre l’art et l’environnement. C’est donc le contexte qui influe fortement sur sa pratique. Il a souvent été créé loin de lieux institutionnalisés, dans des lofts, sous-sols, boutiques vides, environnements naturels et rues. Ces événements sont bruts, lyriques, sales et très spontanés, issus de l’Action Painting (J. Pollock) et des Events musicaux (J. Cage). Le créateur du happening, Allan Kaprow, rappelle la chronologie et l’évolution dans un entretien avec Jacques Donguy : « Les environnements se sont développés très vite en 1957 à partir de vastes “actions”, collages et assemblages. Ceux-ci consistaient au début en morceaux déchirés de mes peintures-actions antérieures. Puis j’ai ajouté des matériaux non artistiques, comme des kleenex, du plastique transparent, des pneus, des miroirs cassés, des ventilateurs, de la paille, des lampes électriques, des odeurs, des sons, etc. Ces éléments se détachaient simplement des murs de la galerie jusqu’à ce qu’ils remplissent tout l’espace des salles elles-mêmes. Chaque personne devait pénétrer dans l’environnement, devait se frayer un chemin, en poussant, au sens propre du terme, afin de le “voir”. J’ai rapidement introduit des possibilités d’interaction : des interrupteurs électriques pour mettre en route des moteurs, des objets à déplacer, de la nourriture à manger… La participation était plutôt physique. Après 1958, il était clair que le volume neutre de la galerie était trop artificiel, trop chargé d’associations à l’histoire de l’art. Ce que je voulais instaurer était un débat non à propos de l’art, mais avec la vie de tous les jours. Aussi, je suis parti à la recherche d’espaces du monde réel : grottes, forêts, caves, anciennes usines, de véritables espaces alternatifs. L’idée la plus juste dans cette évolution rapide de l’art vers la vie serait l’interrelation. L’art, le monde de tous les jours et nous-mêmes, tout serait mélangé. Les séparations (les catégories traditionnelles), seraient volontairement rendues floues. L’expérimentation remplacerait la création. À la même époque, le happening a émergé comme la forme la plus parfaite de cette intégration/participation, et après 1964, j’ai arrêté de faire de nouveaux environnements. » (revue Art Press n° 172, sept. 1992, pp. 44-46)
  • Kaprow a employé le terme dès avril 1957. Le terme s’est généralisé dans les années 60, pour ensuite disparaître pour laisser la place au terme « action » ou « performance ».
  • Le contexte des happenings (conception et représentation) ne comporte donc pas de scène traditionnelle et, par conséquent, pas de séparation entre public et création. Ils utilisent une structure compartimentée. Le théâtre emploie surtout une structure informative. Ces informations sont principalement visuelles et verbales (décor, lumière, jeu des comédiens : expressions, mouvements et dialogues) et essentiellement cumulatives. La structure compartimentée est au contraire fondée sur une contiguïté d’unités totalement fermées sur elles-mêmes qui coexistent les unes à côté des autres sans réelle cohérence.
  • Le happening ne possède pas de territoire spécifique ou de philosophie évidente, mais comprend quatre conditions : indétermination, hasard, caractère éphémère et usage de matériaux de récupération. Il se concrétise sur le mode de l’indétermination. L’acteur réagit en fonction des actions d’un autre, sans but créatif ou esthétique. Pas d’écriture par avance, seule une partition de notes fournit les directives, mais celles-ci obéissent à une fonction alogique. Par conséquent, une large place est laissée au hasard. Il est éphémère et ne comporte aucune répétition ni reproduction. La primauté est accordée à la surprise et l’action suppose une balance entre les possibilités humaines et les possibilités mécaniques. Les différents éléments qui le constituent sont aussi absolument concrets et mis en relation avec la vie quotidienne. Le happening exige dont une expérience directe. Enfin, il utilise des matériaux de récupération.
  • Pour ces raisons, le happening a touché toutes les formes d’art vivant et donc est à l’origine de la Performance et du Body-Art, qui apparaîtront au cours des années 70.

Publié dans Textes-Arts

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